L'ambulatoire avant le stationnaire

En raison des progrès de la médecine ainsi que pour le confort du patient, de plus en plus d’interventions ont lieu en ambulatoire. Toutefois, le transfert potentiel du stationnaire vers l’ambulatoire pourrait être encore plus important. Il est freiné par de mauvaises incitations. D’une part, différents systèmes de rémunération sont utilisés. Ainsi, une même intervention sera dédommagée de façon différente si le prix de l’intervention est calculé selon les Swiss-DRG (séjour stationnaire) ou selon le Tarmed (traitement ambulatoire). D’autre part, le canton ne participe pas au financement des traitements ambulatoires. L’existence d’une couverture complémentaire joue également un rôle important, puisque les honoraires de l’assurance complémentaire augmentent les gains des prestataires de soins par rapport aux soins ambulatoires.

Contexte

En raison des progrès de la médecine ainsi que pour le confort du patient, de plus en plus d’interventions ont lieu en ambulatoire. Toutefois, le transfert potentiel du stationnaire vers l’ambulatoire pourrait être encore plus important. Il est freiné par de mauvaises incitations. D’une part, différents systèmes de rémunération sont utilisés. Ainsi, une même intervention sera dédommagée de façon différente si le prix de l’intervention est calculé selon les Swiss- DRG (séjour stationnaire) ou selon le Tarmed (traitement ambulatoire). D’autre part, le canton ne participe pas au financement des traitements ambulatoires. L’existence d’une couverture complémentaire joue également un rôle important, puisque les honoraires de l’assurance complémentaire augmentent les gains des prestataires de soins par rapport aux soins ambulatoires.

Ainsi, dans une analyse approfondie publiée en 20161, PWC constate que jusqu’à 251 millions de francs pourraient être économisés par année (scénario optimiste), si 13 interventions étaient réalisées systématiquement de façon ambulatoire. Avec une généralisation des transferts du stationnaire vers l’ambulatoire, le potentiel d’économies annuelles atteindrait le milliard de francs.

Listes cantonales

Afin de réaliser ce potentiel d’économies, l’introduction de listes d’interventions devant obligatoirement être réalisées de façon ambulatoire est discutée par les cantons. Ils se basent sur les art. 32 et 56 LAMal afin de pouvoir légitimer leurs actions. La première disposition prévoit que toutes les prestations à la charge de l’AOS doivent respecter les conditions d’efficacité, d’adéquation et d’économicité. La seconde se rapporte au caractère économique des prestations, notamment que les fournisseurs de prestations doivent limiter leurs prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. Cette pratique décharge notamment les cantons, mais pénalise les payeurs de primes.

Projet du canton de Lucerne
Le canton de Lucerne a par exemple établi une telle liste, qui est entrée en vigueur au 1er juillet 2017. Il estime que 860 cas par année seront concernés et que le potentiel d’économies se monte à environ 3 millions de francs. La liste se base sur les 13 interventions listées dans l’étude de PWC. Entre-temps, cette liste a été ramenée à 12 interventions, puisque le corps médical a émis quelques réserves concernant l’ablation des amygdales. Pour la mise en oeuvre, il est prévu qu’une évaluation au cas par cas soit réalisée.

Projet du canton de Zurich
Le canton de Zurich souhaite procéder de la même manière. Pour ce faire, une modification de la loi hospitalière cantonale a été soumise au Grand Conseil. Pour ces interventions, la participation cantonale serait limitée aux cas qui nécessiteraient une Intervention stationnaire en raison de circonstances particulières. Le canton s’est fixé comme objectif de réduire à 3’400 le nombre de traitements stationnaires. Avec cette modification législative qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2018, le canton espère économiser 9.2 millions de francs. Pour la mise en oeuvre, il est prévu d’évaluer régulièrement les statistiques des interventions, si elles ont été réalisées en stationnaire ou en ambulatoire. Le canton agira si nécessaire.

Conformité légale des listes cantonales
Le prof. Urs Saxer (Université de Zurich) a pris position dans un avis de droit commandé par l’association des cliniques privées sur l’introduction de listes cantonales. De son point de vue, les cantons ne sont pas habilités à établir des listes d’interventions devant obligatoirement être réalisées ambulatoirement en raison de l’art. 117 al. 1 Cst. Ces réglementations seraient non autorisées. Cette analyse est également partagée par le prof. Kieser (Université de St. Gall).

Cet avis ne fait toutefois pas l’unanimité. Le Conseil fédéral, dans ses réponses à plusieurs questions traitées au Parlement lors de l’heure des questions du 13 mars 2017, a pris position de manière différente. Pour lui, les cantons ne devraient participer aux traitements stationnaires que si ces derniers remplissent les conditions d’économicité, d’adéquation et d’efficacité.

Liste nationale

Afin d'éviter que 26 listes cantonales différentes soient introduites, l'OFSP souhaite introduire une telle liste au niveau national. L'autorité de surveillance pourrait ainsi remplacer les listes existantes ou le faire en parallèle. Elle mène des discussions avec des sociétés médicales.La liste d'interventions préparée devrait ensuite être discutée avec les assureurs et déboucher sur une modification de l'OPAS. Une procédure de consultation à ce sujet devrait être ouverte d'ici à la fin de l'année 2017. L'entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2019.

Dans une première phase, il est question d'intégrer 6 interventions dans l'OPAS.

Analyses des avantages et des inconvénients pour les assureurs-maladie

Pour l’introduction de listes des interventions devant obligatoirement être réalisées en ambulatoire, l’analyse des avantages et des inconvénients donne du point de vue du Groupe Mutuel les principaux éléments suivants pour les assureurs-maladie:
Avantages

  • Permet de limiter les coûts à la charge du système de santé

Inconvénients

  • Limite la liberté thérapeutique
  • Engendre des coûts supplémentaires pour les payeurs de primes (en fonction du choix des interventions et de la tarification)
  • Permet un désengagement des cantons (en fonction du choix des interventions)
  • Pourrait ne pas être légale
  • Pourrait engendrer des conflits avec les prestataires et potentiellement des coûts à la charge des assurés
  • Pourrait aboutir à une inégalité de traitement, si les listes cantonales sont divergentes; difficultés de mise en oeuvre pour l’assureur
  • Engendre un travail administratif à double (contrôle par l’assureur et le canton)
  • Repousse voire même empêche la nécessaire réforme prévoyant l’introduction d’un financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires

Position du Groupe Mutuel

L’introduction de listes limite la liberté thérapeutique, engendre des frais administratifs supplémentaires ainsi que des conflits avec les prestataires de soins et ne semble pas légale. L’évaluation économique dépend, si les autres conditions restent identiques (ceretis paribus), du choix des interventions figurant sur les listes. En outre, le danger est grand que les cantons se désengagent progressivement à l’avenir. Finalement, l’objectif poursuivi par le Groupe Mutuel est d’introduire un financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires. L’introduction de liste freine voire même empêche l’introduction de cette nécessaire réforme.

Pour ces raisons, le Groupe Mutuel s’oppose à l’introduction de listes. Si elles sont tout de même introduites, elles devraient remplir les conditions suivantes:

  • Au moins être fixées au niveau national et
  • Être obligatoirement liées à l’introduction d’un financement uniforme.

Afin de favoriser le transfert du stationnaire vers l’ambulatoire, le Groupe Mutuel continue de plaider en faveur de l’introduction d’un financement uniforme, avec une participation cantonale basée sur les coûts effectifs. D’autres réformes sont encore nécessaires, comme par exemple celles relatives aux tarifs. Dans ce domaine, il est favorable à l’introduction de forfaits, où cela fait sens.

1 Ambulatoire avant stationnaire – Ou comment économiser un milliard de francs chaque année – Etude publié en août 2016 par PwC et accessible avec le lien ci-dessous:
https://www.pwc.ch/fr/publications/2016/ambulatoire_avant_stationnaire_2016_fr.pdf

2 Mémorandum du 24 mars 2017 «Réglementations „ambulatoire au lieu de stationnaire“, en particulier dans les cantons de Zurich et Lucerne«, Zurich accessible avec le lien ci-contre: http://www.privatehospitals.ch/fileadmin/user_upload/news/170324_Memorandum_Saxer_ergaenzt_F_sauber.pdf

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