Le remboursement des thérapies géniques

08 avril 2021 | commentaire(s) |

Andre Schmidt

Le développement de thérapies innovantes et efficaces apporte de l'espoir aux patients souffrant de maladies qui ne peuvent être guéries aujourd'hui. Il est donc important que ces traitements soient disponibles rapidement. Pour ces maladies, la tendance est de plus en plus à la médecine personnalisée. En raison de la spécificité du traitement et du faible nombre de patients, les thérapies sont très coûteuses (allant parfois jusqu'à plusieurs centaines de milliers de francs). Leur financement pose des problèmes au système de santé, tandis que les avantages à long terme ne sont pas encore connus en raison du manque d'études sur la durée. Avec l'exemple des nouvelles thérapies géniques, nous souhaitons montrer à quoi ressemble réellement le processus depuis le moment de l'autorisation du traitement à son remboursement par l'assurance-maladie obligatoire (AOS).

Un traitement très onéreux

La thérapie génique est un nouveau type de traitement basé sur des cellules génétiquement modifiées. Plus précisément, un gène intact est inséré dans un certain nombre de cellules d'un patient. Au cours du processus, le gène défectueux à l'origine de la maladie est remplacé, permettant ainsi la guérison du  patient. Le traitement est toujours personnalisé, c’est-à-dire adapté à chaque personne. Cette technologie est relativement nouvelle et comporte donc certains risques.

Selon les estimations des experts, environ 23 milliards d'euros ont été dépensés en médecine régénérative dans le monde en 2018. Le volume du marché devrait atteindre 130 milliards d'euros en 2025, ce qui signifierait une multiplication par six en l’espace de sept ans. Les prix de ces thérapies sont très élevés et le resteront pendant toute la durée de leur présence sur le marché sous protection du brevet. Comme le principe actif est fabriqué individuellement pour chaque patient, cela ne permet pratiquement pas d'économies d'échelle dans les coûts de production. En fait, les prix auront tendance à augmenter au fur et à mesure que l'on pourra traiter plus de maladies dont le nombre de cas est très faible. Ces dernières années, un certain nombre de thérapies géniques sont arrivées sur le marché dont Kymriah® et Zolgensma® ou Yescarta® pour les plus connues d’entre elles.

Pour que les thérapies géniques soient remboursées par l’AOS en Suisse, il faut démontrer qu'elles ont un caractère efficace, approprié et économique. Les effets doivent être statistiquement significatifs et démontrés de manière systématique au cours d’essais randomisés contrôlés. Ils doivent également être durables et réduire la mortalité et la morbidité.

Tarification conformément aux règles de financement en vigueur

Une fois qu'une thérapie génique a été approuvée comme produit de transplantation ou de thérapie génique par Swissmedic, l’autorité suisse de réglementation des médicaments et des dispositifs médicaux, un tarif est fixé pour la prestation. Ces thérapies sont des traitements complexes qui ne peuvent actuellement être réalisés qu'en milieu hospitalier. Dans le secteur stationnaire, la tarification est effectuée par SwissDRG SA sur la base de données et principes éprouvés en matière de tarification des prestations stationnaires.

Jusqu'à ce que SwissDRG dispose d'une base de données suffisante (en général deux ans) pour pouvoir établir un forfait par cas pour les thérapies géniques sur la base des coûts, il est nécessaire de trouver une solution transitoire pour la prise en charge. Les hôpitaux et tous les assureurs de la branche pourraient par exemple convenir d’une contribution à l’innovation ou d’une contribution supplémentaire dans le cadre du forfait DRG.

Généralement, les accords tarifaires individuels sont soumis à l'approbation des autorités. A ce jour, le Conseil fédéral a approuvé les accords tarifaires relatifs au traitement par cellules CAR-T autologues (dans lequel des cellules sont prélevées, manipulées puis réimplantées) pour le remboursement des deux thérapies géniques Kymriah® et Yescarta® dans le cadre de trois indications.

Nouvelles approches en matière de remboursement

Dans l'intérêt de nos assurés, nous souhaitons garantir un accès rapide à des thérapies efficaces à des prix avantageux. Étant donné que le bénéfice d'une nouvelle thérapie est très individuel et ne peut pas être prouvé d'emblée par des études scientifiques, des modèles de remboursement alternatifs doivent être développés et convenus avec les partenaires. Il existe plusieurs possibilités:

  • un financement partiel jusqu'à ce que la qualité des preuves soit démontrée par un essai de phase III ou
  • une rémunération en fonction de la réussite d’un traitement («Pay for Success»): le montant du remboursement d'un traitement est lié aux effets pour le patient.

Les questions importantes concernant l'éventuelle rémunération future des thérapies géniques devraient idéalement être résolues de manière sectorielle et non par des contrats individuels entre le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché et l'assureur. Ainsi, le remboursement des prestations serait toujours lié à la maladie elle-même et non à un produit spécifique. Cela signifie qu'il existe toujours des incitations à rechercher des solutions moins coûteuses pour traiter la maladie. De plus, des tarifs dégressifs sont nécessaires pour empêcher une augmentation non-maîtrisée des volumes.

Et maintenant?

L'autorisation et la rémunération des thérapies géniques constituent un défi pour tous les acteurs concernés. Il s'agit en effet d'approuver des thérapies dont les bénéfices ne peuvent pas encore être prouvés par des études complètes au moment de leur introduction et de négocier des prix économiques, qui restent élevés en raison du caractère individuel de chaque traitement et du nombre de patients généralement faible. En outre, comme aucune étude à long terme n'est encore disponible, les effets à long terme ne sont pas encore connus. Le remboursement des thérapies doit tenir compte du bénéfice individuel pour chaque patient. De nouveaux modèles sont donc nécessaires.

Le rôle de l'assureur dans ce processus complexe est de représenter les intérêts de l'assuré et de lui garantir d’une part l'accès rapide à des thérapies nouvelles, innovantes et efficaces et d’autre part l’économicité des prix et des modèles de remboursement pour les thérapies qui doivent être prises en charge par l'AOS.

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